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Robert Fraser, OMOSC Président

 

C’est difficile de croire que la dernière rencontre en personne du comité de direction de l’OMOSC remonte déjà au 22 et 23 février 2020, il y a un peu plus d’un an.

C’était à Toronto. Nous y avons fait le tour des rapports des délégués qui, au milieu de la saison 2019-2020, annonçaient tous de belles perspectives pour nos 21 orchestres membres. Sur les cinq membres de notre comité, deux étaient nouveaux; d’ailleurs, notre réunion avait lieu dans la belle résidence torontoise de notre nouvelle deuxième vice-présidente, Xiao Grabke. Au printemps de 2019, notre rédactrice en chef, Barbara Hankins, a quitté ses fonctions après de nombreuses années de loyaux services, et nous tentions encore de la remplacer (une autre raison pour laquelle vous n’avez pas vu ce bulletin depuis si longtemps). Nous avons également commencé la planification de notre conférence annuelle qui se serait normalement tenue à Regina, en août 2020. C’eût été la première conférence dans la « Reine des plaines » depuis 2003. Tout en travaillant, nous suivions avec anxiété les informations concernant la propagation d’un « nouveau Coronavirus », détecté d’abord à Wuhan, en Chine, et faisant l’objet d’une inquiétude grandissante un peu partout dans le monde. 

Moins d’un mois plus tard, le 12 mars à 16 h 26, j’ai reçu un courriel du directeur du personnel de mon orchestre. Le titre, tout en majuscules, se lisait : « URGENT CONCERT VS ANNULÉ CE SOIR LE 12MARS.2020 » [sic].  Les coquilles dans le message m’ont frappé — il a dû être envoyé à la hâte. J’étais occupé à mettre les touches finales, à la dernière minute (comme c’est mon habitude) à une conférence préconcert au sujet des symphonies no 2, no 3 et no 7 de Beethoven que mes collègues devaient donner ce soir-là dans le cadre de notre festival Beethoven 250. La répétition générale avait eu lieu dans la matinée. Ce concert devait faire partie d’une série consacrée aux neuf symphonies de Beethoven; nous n’avons pu en donner que deux. Dès le lendemain matin, le directeur musical de mon orchestre, Christian Kluxen, est monté dans le premier vol qu’il a pu trouver à destination du Danemark, son pays d’origine, tout juste avant que les déplacements internationaux ne deviennent presque impossibles. Il a affiché un selfie sur son profil Facebook, le premier du genre parmi les 10 millions d’autres vus depuis sur mon Timeline : une photo de lui portant un masque. 

Cette histoire résonne probablement chez tous les musiciens d’orchestre, et vous connaissez la suite : annulation d’un concert, ensuite de quelques semaines, et puis du reste de la saison régulière suivie de celle de la saison d’été;  les annonces, les unes après les autres, de modifications à la saison 2020-2021. Mon orchestre a été le premier à écarter tout le répertoire prévu pour une saison complète; peu de temps après, toutes les saisons ont été annulées et « réimaginées ». 

Bien que ce message du 12 mars m’ait donné un choc, je ne peux pas dire qu’il était complètement inattendu. En effet, seulement trois jours auparavant, j’avais participé à une conférence téléphonique avec le personnel de la DSS et les présidents des deux autres associations de musiciens d’orchestre symphonique. Nous discutions des annulations qui avaient lieu à San Francisco, et essentiellement, nous étions en mode « préparation à l’impact ». C’était le premier d’un grand nombre de conférences téléphoniques tenues chaque semaine depuis; j’en compte plus de 30 sur mon calendrier. Très vite, nous avons tous migré vers un programme informatique que je n’avais jamais utilisé avant mars dernier : « Zoom » — un nom si répandu aujourd’hui qu’il risque de devenir une marque générique (c’est-à-dire de désigner toute une catégorie de produits). 

Zoom est devenu notre interface de prédilection pour communiquer autant avec nos interlocuteurs éloignés qu’avec ceux de notre propre milieu : nos comités des musiciens, nos administrations, nos sections locales, et même nos propres élèves. Les associations de musiciens ainsi qu’Orchestres Canada, notre organisme national de service aux administrations, ont tôt fait de l’adopter aussi. Notre première réunion Zoom avec les délégués de l’OMOSC a eu lieu le 15 mai;  la séance se voulait informelle pour permettre à tout le monde de se familiariser avec la plateforme et de s’habituer à ce nouveau mode de communication : comment lever la main virtuellement, utiliser la fonction de discussion et éliminer les inévitables bogues dans l’audio et la vidéo de nos nombreux appareils. À la fin de mai, nous avons tenu des séances de deux heures par jour pendant trois jours consécutifs. Les deux premiers jours, nous avons entendu les rapports de tous les délégués, et le troisième, notre conseiller juridique, Michael Wright, a fait le tour pour nous des articles relatifs à la force majeure. Nous avons également pu lui poser des questions au sujet des négociations auxquelles, inévitablement, nous serions tous confrontés dans un avenir rapproché. La directrice de la DSS de la FAM et conseillère spéciale, Rochelle Skolnick, la responsable des médias à la DSS, Debbie Newmark, et l’adjoint de la DSS au Canada, Richard Sandals, ont fait le point sur ce qui s’annonçait pour les semaines à venir relativement aux médias électroniques.

La période du 12 mars jusqu’à l’été n’a pas été complètement silencieuse, mais on y a surtout vu nos orchestres  se retourner sur un dix cennes comme jamais auparavant. Dans l’impossibilité de donner des concerts comme prévu, presque tous les orchestres de l’OMOSC se sont engagés à payer leurs musiciens selon leurs ententes; dans notre grande famille, seul le Niagara Symphony n’a pu finir sa saison. Et puisque la plupart des administrations se retrouvaient devant la difficile tâche à la fois de prédire l’avenir et de le planifier, beaucoup de musiciens d’orchestre ont pris l’initiative de maintenir le nécessaire contact avec nos auditoires dans l’intervalle. Ils ont produit des vidéos, dont certaines très personnelles, à partir de leur domicile. Nous avons utilisé Zoom pour enregistrer des interviews et des discussions de groupe. Des musiciens particulièrement habiles en technologie ont monté des vidéos en mosaïque : ils exécutaient isolément des parties individuelles (en suivant une piste de référence) pour ensuite les monter en un tout parfaitement cohérent. Parfois il y a eu collaboration avec la collectivité, à d’autres occasions la participation de la famille — photos des animaux de compagnie à l’appui — a été l’appât. Certains orchestres ont trouvé des façons vraiment spéciales et novatrices de tenir des activités de collecte de fonds en ligne — entre autres, en offrant un service de traiteur qui livrait des paniers de plats préparés au domicile des personnes qui achetaient des billets. 

Nos collègues d’Orchestres Canada (OC) se sont également adaptés rapidement au modèle de Zoom et s’en sont servis pour présenter plusieurs webinaires. Pour de plus amples renseignements à ce sujet, visitez leur site Web au www.oc.ca. Nous avons également invité la directrice générale d’OC, Katherine Carleton, et le président de leur conseil d’administration, Tanya Derksen, à rencontrer les délégués de l’OMOSC en juin; il a été très facile d’ajouter les dirigeants des sections locales de la FAM, les présidents des comités des musiciens de nos orchestres ainsi que des observateurs issus d’autres orchestres qui travaillent dans le cadre d’ententes de la FAM, mais ne se sont pas encore joints à la famille de l’OMOSC. Nous avons même eu quelques collègues membres de syndicats de musiciens européens avec nous. Depuis, nous avons décidé de nous retrouver au moins toutes les six ou huit semaines.

Nous avons tenu notre assemblée générale annuelle officielle au mois d’août; veuillez consulter l’édition d’octobre 2020 de l’International Musician pour l’excellent compte rendu qu’en donne d’Elizabeth Loewen Andrews, notre nouvelle secrétaire et plus récente recrue au comité de direction. 

Alors que le printemps cédait la place à l’été et que les orchestres planifiaient la saison 2020–2021, l’OMOSC se consacrait principalement à trouver comment retourner au travail. Certains orchestres se sont bravement lancés dans la nouvelle réalité : dès le mois de juin, nos deux orchestres de Montréal se sont produits en concert devant des salles vides pour au moins offrir des diffusions live en continu à leurs publics. De nombreux orchestres ont offert des séries de concerts de musique de chambre en plein air au cours des mois d’été. Par ailleurs, en même temps que nous reconnaissions la nécessité de devenir nos propres ingénieurs du son et de jouer pour des caméras et des microphones plutôt que des personnes, nous devions assimiler rapidement des notions d’épidémiologie : vecteurs passifs, gouttelettes, aérosols — oh là là!   Nous avons compris ce que ces termes désignent, et au fil des études scientifiques, nous avons appris ce qui était le plus dangereux pour la propagation de la maladie — maintenant appelée simplement COVID, la plupart d’entre nous ayant laissé tomber le 19 dans notre parler de tous les jours. En peu de temps, le système CVCA (de chauffage, de ventilation et d’aération) de notre salle de concert, s’il y en a un, est devenu plus important que la température ou l’acoustique sur scène. Tout à coup, tous les aspects de notre lieu de travail étaient perçus en fonction d’une maladie potentiellement mortelle pour les autres, même si personnellement nous n’avions pas de symptômes et que nous pourrions ne jamais savoir si elle nous avait infectés. Tout devenait source de préoccupation, que ce soit vider la salive des instruments à vent, trouver où placer nos étuis d’instruments ou nos effets personnels ou même la direction dans laquelle on empruntait les corridors. Les premiers parmi nous à se produire en appliquant les protocoles de la COVID étaient comme des astronautes en mission. D’ailleurs, je ne m’habitue toujours pas à voir mes collègues portant tous des masques identiques avec le logo de l’orchestre; même si ça me fait sourire! Toutefois, le plus étrange de cette pandémie c’est sans doute de ne pas pouvoir s’approcher à moins de deux mètres de quelqu’un qui ne fait pas partie de votre bulle — un autre mot qui a pris un nouveau sens pour toujours. Après l’impossibilité de se produire pendant des mois, nous devons nous habituer à ne pas être tout à fait aussi « ensemble » qu’avant. Je ne peux pas m’empêcher de me demander combien extraordinaire sera notre jeu d’ensemble justement lorsque nous pourrons enfin nous asseoir côte à côte comme avant — peut-être que ce sera comme quelqu’un qui doit porter des verres fumés après une chirurgie aux yeux à cause d’une sensibilité accrue à la lumière.

La pandémie a donné lieu à des ajustements à nos ententes collectives que nous espérons temporaires. Heureusement, grâce aux subventions de cachets et de salaires telles que la PCU et la SSUC (d’autres acronymes à apprendre), à des avances sur les subventions, à la générosité des donateurs et à la réduction des productions pour permettre le respect des protocoles contre la COVID, presque tous nos orchestres recevront de 75 % à 100 % de leur cachets pour la présente saison. En réponse aux aménagements permettant la diffusion en continu de prestations live sans public, la FAM a créé une lettre d’entente promettant que le contenu média, qui ferait normalement l’objet d’une rémunération à part, pourrait être offert sans frais à condition que les salaires garantis soient maintenus. Les dispositions en matière de congés de maladie et de lignes directrices relatives à la santé et à la sécurité ont été révisées rapidement et demeurent une préoccupation. Malheureusement, ce sont les nombreux musiciens qui travaillaient comme surnuméraires dans nos orchestres, sans les garanties offertes par nos ententes collectives, qui sont les principales victimes de cette pandémie. Si certains qui jouent d’un instrument spécialisé (particulièrement le clavecin – beaucoup de Quatre saisons) pouvaient compter sur un peu de travail, les surnuméraires dans les cordes qui étaient engagés pour renforcer nos sections dans les œuvres majeures ont tout perdu dans plusieurs de nos ensembles. 

Au moment d’écrire ces lignes, nous constatons une énorme augmentation dans le nombre de cas de COVID dans toutes les régions du Canada, à plus du double de ce que nous avons connu lors de la première vague, en avril 2020. Aucune infection n’a été reliée à l’un de nos lieux de travail (à notre connaissance), mais certains de nos orchestres sont de nouveau confinés. Deux vaccins ont été approuvés et leur distribution commence tranquillement, il y a donc de la lumière au bout de ce tunnel. Les derniers chapitres de cette tranche d’histoire de l’OMOSC restent évidemment à écrire.

À titre de président, je ne pourrais pas être plus fier du travail du comité de direction de l’OMOSC et des délégués en cette période sans précédent. La communication au sein de notre organisation s’est à la fois élargie et approfondie en dépit de l’impossibilité, pour la première fois dans notre histoire de 46 ans, de se réunir en personne. Notre présence accrue en ligne, née de la nécessité, permet maintenant d’entendre chacun de nos orchestres; on me faisait d’ailleurs remarquer qu’on pourrait presque tous les écouter dans la même journée. L’attitude positive de mes collègues face à l’adversité fait chaud au cœur. 

Je vous souhaite une heureuse année 2021. Restons forts et solidaires jusqu’à la fin de ce voyage.